Contre performance

Aujourd'hui,
Je prends un break de la survie.

Des vacances du drame habituel,
de toute ce que tout le monde me dit qui devrait m'inquiéter.
Des peurs répétitives qui m'engorgent le système nerveux.
Des obligations qui me pressent comme un citron.

Une pause
des douleurs qui reviennent cent fois par jour,
4 jours sur 7,
de la fatigue qui fait compétition
à n'importe quel élan de productivité.
J'abdique.
C'est ça qui est ça.
Mon corps me crie que ça suffit.
Ok.
Marché conclut mon ami.
On arrête tout.


Aujourd'hui, je prends congé.

Des pressés qui dépassent sur la route,
pour arriver 3 secondes avant tout le monde à la lumière rouge.
Des super génies qui zigzaguent à 130 à l'heure
sur les 3 voies de l'autoroute.
Des pas capables de laisser passer devant eux le char à gauche,
qui doit traverser 3 voies en 7 secondes
pour se rendre à sa sortie
sur le métropolitain,
quand ça roule à 10 km/h.
Du monde et des bébelles sur leur moto
qui font un bruit d'enfer,
pour une raison qui reste,
à ce jour,
inconnue.
Des policiers qui,
aujourd'hui,
t'ont choisi pour atteindre leur quota de tickets.

Pause.

Des cyclistes enragés contre les chars,
qui font pas de stop,
et sortent de nul part
à pleine vitesse,
en te faisant un doigt d'honneur
quand tu klaxonnes parce que t'as failli les frapper.
Des joggueux qui t'envoient promener,
courant au milieu de la rue
en pleine tempête de neige,
dans une pente descendante.
De ceux qui pensent qu'avoir un char
c'est d'être un épais inconscient,
et qui évidemment,
ne te demandent pas pourquoi
toi
tu considères en avoir besoin.

De ceux qui s'impatientent,
en ligne derrière la jeune maman,
qui compte son change sur le comptoir,
pour payer une boîte de couches,
à la pharmacie. 

Les pas contents du service de la tite caissière au McDo
qui est à son 2e jour de travail.

Ceux qui tiennent pas la porte à la maman
qui essaie d'entrer avec sa poussette.

Ceux qui se crissent des vieux en marchette, 
qui lancent un "ok boomer"
à ceux d'une autre époque ne pensant pas comme eux.
Ceux qui condamnent les jeunes se cherchant une identité.

Les convaincus que
les itinérants,
les bs,
les pauvres,
les troublés,
les puckés,
les malades,
les crottés,
sont juste des paresseux qui profitent du système.

Une p'tite vacance
des clients qui s'extasient
devant la délicatesse de ton travail,
mais qui essaient de le négocier à rabais.
Parce que tsé,
l'art,
c'est pas essentiel à la survie.
Ceux qui pensent
qu'être bon dans quelque chose,
c'est un talent
qui te tombe dessus par hasard,
que ça prend pas cent milles heures
à raffiner ton coup de pinceau.
Ceux qui ont un p'tite demande rapide,
avec 150 spécifications.
Qui pensent qu'un artiste,
ça peut reproduire
exactement
ce qu'ils ont en tête,
mais sont incapables de te verbaliser leur affaire.
Ceux qui veulent une réponse
pour hier
à leur email,
mais qui prennent leur temps quand vient le temps de payer.
Pis ceux-là
qui te demandent
d'offrir 5h de travail à leur événement,
en échange
d'une fabuleuse visibilité.

Des coachs qui vont te montrer comment vivre ta vie,
devenir riche,
manifester tous tes désirs,
guérir tes bobos,
trouver l'amour,
atteindre enfin ton bonheur ultime.
Parce qu'eux savent.
Les pro de toute.
Les universitaires accomplis.
Les membres de l'ordre professionnel officiel.
Tous ceux là diplômés et/ou auto-formés pour savoir à ta place.

Des esti de donneux de leçons de tous les styles,
des plus à gauches à ceux de la droite extrême,
ceux qui savent comment tout le monde devrait vivre.
Les ceuses qui jugent les pas assez spirituels, conscients, "réveillés", éduqués.
Pis ceux qui jugent ceux qui les jugent.

De ceux qui prédisent la fin du monde 4 fois par semaine.
Avec beaucoup de détails dans leur futur hypothétique.
Qui ne voient pas la beauté dans l'ordinaire.
Et pensent que tu devrais faire pareil.
Et te pousser ben loin
de ce système de marde.
(Ah oui? C'est où ça?)

Le monde qui disent qu'être différent
c'est de pas vouloir se conformer.
Ceux qui se trouvent ben hot
parce qu'ils se tuent 50 heures par semaine,
à une job pas satisfaisante,
mais payante.
Avec des bons avantages sociaux,
tsé.
Pis un crédit 
qui font d'eux de bonnes personnes.
Ceux qui se font chier toute la semaine,
en attendent le week-end,
pis les vacances pas vraiment reposantes,
4 semaines par année.
Qui répètent "c'est ça la vie".
Et que tu devrais faire pareil.

Ceux qui te disent
"té trop sensible"
parce que té en surcharge sensorielle.
Qui savent même pas c'est quoi une surcharge sensorielle.

Ceux qui jugent la mère
qui essaie de gérer son enfant autiste
en crise
au Super C.
Ceux qui pensent que t'es mésadapté
parce que t'aimes pas ça les partys pis la musique forte,
ni même aller au resto avec ta petite gang.
Que tu préfères rester chez vous au calme
parce que c'est ça que tu juges avoir besoin.

Ceux qui te disent
que tu devrais penser
à tout le monde
avant toi-même.
Ceux convaincus que té un égoïste
quand tu fais tes choix
par et pour toi-même.
Ceux qui négocient quand tu dis non.
Pis qui te trouvent sans coeur quand tu dis oui
à tes besoins de base.
 
Ceux qui te disent
d'arrêter de t'écouter.
De te pousser plus.
De sortir de ta zone de confort.
De faire plus de sport.
De changer ton alimentation.
De faire plus, mieux, plus fort, plus souvent.
D'avoir une routine du matin, du midi, du soir.
Toujours la même.
Mais qui ont jamais pensé
te demander ce que tu sens,
toi,
que t'as besoin.

Aujourd'hui je prends un break.
Je reste chez nous et je ne mets rien à l'agenda.
J'ai mal à l'épaule.
J'suis fatiguée.
Je retourne me coucher.
On verra après.

Parce qu'être pauvre mais libre
ça permet ça.










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