Le plaisir de se nourrir, première partie.

  Une de mes odeurs préférée au jardin est la verveine citronnelle. 

J'avais un peu oublié, jusqu'à ce que je me rende à la jardinerie il y a quelques jours et que je me frotte sans m'en rendre compte à un plant. Hmmmm. Cette odeur provoque en moi une sensation de réconfort et de joie très enveloppante. J'ai donc choisi un plant à adopter et me suis vautrée dans son odeur durant tout le chemin de retour. Je l'ai installé dans mon petit potager de balcon avec un plaisir immense, de savoir que j'avais maintenant accès quotidiennement à cette plante que j'aime tant. Je l'ajoute à mon eau, je m'en fais des tisanes, j'en mets même dans des desserts. J'adore en mâcher une feuille lorsque je sors en journée pour admirer toutes mes belles plantes.


Depuis longtemps, j'ai développé une relation d'amour/désintérêt face à la nourriture.
Ça m'a pris du temps à m'en rendre compte.
Puis un jour, il y a quelques années, j'ai réalisé que je n'avais plus de plaisir à me faire à manger, que je me nourrissais parce qu'il le fallait, et j'attendais la plupart du temps d'être affamée et en hypoglycémie pour me préparer quelque chose de rapide, et pouvoir passer à autre chose.

J'en ai pris conscience en jasant avec une naturopathe dans un magasin d'aliments naturels, en parlant des symptômes physiques de l'anxiété. Elle m'a fait réaliser que cette habitude, d'attendre l'absolu nécessité avant de me mettre à table, allumait des symptômes d'anxiété et surtout, que lorsque j'attendais jusqu'à ce point pour me nourrir, ces symptômes restaient la plupart du temps pour le reste de la journée. Ils étaient assez handicapants dans mon cas.

Cette discussion a commencé à semer en moi l'envie de changer ce comportement, en ayant pris conscience que de me nourrir convenablement, et aux bons moments, c'est une façon importante de prendre soin de moi, par moi-même. Une façon concrète de me donner de l'amour.

J'ai donc laissé cette idée germer et, à partir de ce moment, j'ai mis un effort constant à manger dès que je sens la faim commencer à poindre, au lieu d'attendre d'avoir les "shakes" et être déstabilisée émotionnellement à cause de cela.

Tout ça m'a amenée à être plus curieuse de ma relation à l'action de me nourrir.
Je me suis replongée naturellement dans divers souvenirs face à la nourriture et j'ai compris ce qui m'a amenée à m'en désintéresser. D'abord une mère qui nous imposait ses choix et ses goûts alimentaires, sans permettre aucune exploration, ni même la possibilité de verbaliser qu'on n'aimait pas un plat qu'elle nous avait préparé (elle le vivait comme une forme d'attaque personnelle). Pas d'espace pour explorer mes préférences personnelles et beaucoup de règles rigides autour de tout ce qui a trait au rituel des repas. 

Puis, quand je suis partie en appartement, même si je n'avais aucune source de revenus, j'ai fait une coupure avec ma mère et sa vision de l'alimentation, d'abord en décidant de devenir végétarienne, puis en n'acceptant plus que ma mère paye ma nourriture (elle payait tous mes frais en lien avec mon éducation au CÉGEP, mon appartement, etc). Ce fût une période un peu compliquée. J'ai poursuivi avec le végétarisme durant 8 ans (je vous parlerai une autre fois de ce qui m'a menée à recommencer à manger de la viande).
D'un côté, j'ai appris à me nourrir autrement qu'avec les classiques québécois de ma mère. L'alimentation (parallèlement à l'herboristerie) est devenu un sujet d'intérêt pour moi. Par contre, cet épisode de ma vie a implanté également beaucoup d'interdits et de jugements rigides, que je continue à défaire aujourd'hui. Il a semé en moi des peurs et jugements face à de nombreux aliments. Encore une nouvelle couche de restrictions.

Plus tard, j'ai eu 3 enfants.
Ayant eu, durant ce parcours, un amoureux n'ayant pas du tout la même vision que moi de l'alimentation (ce qui a bien sûr déteint sur mes enfants), en plus de grands challenges financiers lorsque je me suis retrouvée monoparentale, c'en est venu à être très compliqué de trouver du plaisir à me nourrir. L'alimentation est devenue une question de survie, pour nourrir convenablement mes enfants, en essayant le plus possible de leur faire plaisir. J'ai mis mes propres préférences bien loin derrière, et j'en suis venue à m'en désintéresser presque complètement.

La période de ma vie qui a mis la dernière couche à ce lien conflictuel avec la nourriture a été une relation amoureuse, d'un an et demi, avec un amoureux qui aimait vraiment beaucoup cuisiner mais qui, malheureusement, vivait également avec un trouble de personnalité limite, et ayant également lui-même une relation chargée de traumatismes avec la nourriture. Au départ, j'aimais beaucoup le fait qu'il prenne en charge la préparation des repas, ce qui me permettait de me tenir loin de mes challenges face à tout ça. Puis, tranquillement, je me suis rendue compte que je n'aimais pas manger ce genre de plats à tous les jours. Et, du même coup, que j'étais encore dans une situation où je ne pouvais parler de mes préférences, puisque lui aussi prenait personnellement les fois où je préférait manger autre chose que ce qu'il me préparait. De mon côté, j'avais développé durant toutes ces années un comportement évitant dans ce genre de situation. Je préférais m'oublier que d'avoir à vivre avec des conséquences difficiles dans ces relations.

Cette dernière s'est terminée peu de temps avant l'épisode avec la naturopathe. 
C'est à cette période que j'ai commencé à observer plus attentivement mes comportements et pensées face à l'acte de me nourrir. J'ai conscientisé d'où venaient mes blocages, mais la route de la guérison de cette relation s'est construite à petits pas, et ça continu aujourd'hui.

J'ai eu envie de vous écrire à ce sujet parce que, durant les derniers jours, j'ai eu plusieurs moments où j'ai vu concrètement que ma relation s'est transformée, et que le plaisir revient en force.
Ça, je vous en parlerai dans mon prochain billet!

Et vous, comment est votre relation à la nourriture, et au geste de vous nourrir?
Ça m'intéresse!

En vous souhaitant une magnifique journée tout le monde!
Nancy Isabelle 




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